Yves Kieffer, sa bonne étoile

Yves Kieffer, né en 1970 à Saverne, un passionné au parcours incroyable, a réalisé son rêve de tenir un grand restaurant, chez lui, en Alsace. Entre forêt verdoyante et ligne bleue des Vosges, situé à deux pas du Parc Naturel Régional des Vosges du Nord, son restaurant gastronomique Le Kasbür à Monswiller (une étoile Michelin depuis 2013) et sa vue imprenable, a fait sa place dans le paysage. Autrefois surnommé « Biem Kieffer », le nom du restaurant fait référence à l’activité du premier propriétaire, Joseph Kieffer, l’arrière-grand-père, qui fabriquait des fromages dans la ferme voisine (en alsacien, « kas » signifie « fromage » et « bür » « paysan »).

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La cuisine et vous, c’est une histoire de passion et de transmission !

Mes arrière-grands-parents tenaient ce bistrot, ici à Monswiller, et j’ai toujours dit que j’ouvrirai un restaurant, c’est un rêve de gosse. J’ai fait un apprentissage au Château du Haut-Barr à Saverne et j’ai eu la chance de passer par La Vieille Enseigne à Strasbourg pendant mon bac en alternance, c’est là que j’ai vraiment découvert le monde de la gastronomie.

Qu’est-ce qui vous a plu ?

La beauté. Les beaux produits. Après mon bac j’ai eu la chance d’intégrer la Tour d’Argent à Paris, là c’était vraiment la grande cuisine avec de la rigueur et tout ce qui suit. Pendant mon service militaire, j’étais à Matignon, cuisinier du Premier ministre. Ensuite, je suis passé par le Château de Divonne à Divonne-les-Bains, et ensuite chez Marc Meneau au restaurant l’Espérance à Saint-Père ; je suis resté plusieurs années, car je me sentais vraiment très bien. Et puis, je suis parti au Canada pour diriger un Relais Château. De retour en France, j’ai fait une saison à Val-D’Isère et à Courchevel, avant l’hôtel Cosmos à Contrexéville. C’est là que j’ai rencontré ma femme avec laquelle nous avons peaufiné notre projet d’ouvrir notre restaurant.

C’est un endroit qui compte beaucoup pour vous, mais vous auriez pu faire un autre choix ?

Oui, j’avais beaucoup de propositions à l’époque, j’aurais pu rester au Canada ou travailler pour Moët et Chandon, mais mon rêve était de faire ici, même si l’établissement, fermé de 1978 à 1999 était une ruine.

Et ce rêve de gosse, vous avez pratiquement tout risqué pour le vivre ?

Oui, avec mon épouse nous avons tout mis dedans. Il y a eu une période où l’on ne pouvait plus s’acheter de cigarettes. Les problèmes administratifs, une banque qui nous a lâchés, bref c’était dur au début, mais on n’a pas lâché. Si c’était à refaire, je pense que je le referais. C’est avant tout une aventure humaine que je partage avec ma femme Béatrice et ceux qui travaillent avec nous.

Votre première étoile a été longue à venir…

Je pensais que l’étoile n’était pas pour moi, j’avais fait une croix dessus. Mais, contre toute attente, en 2013 j’ai reçu cette fameuse étoile, l’année où j’avais refait toute ma cuisine, l’année où je m’y attendais le moins. Je pensais que c’était un canular ; j’étais en vacances, je les ai écourtées et je me suis tout de suite mis au travail pour être à la hauteur de cette étoile. Depuis, on se remet en question avec un nouveau menu chaque semaine, mais j’ai gardé ma formule «déjeuner d’affaires» qui existait avant l’étoile, car c’est cette clientèle qui m’a « fait ». Entrée plat dessert à 25 € pour un Étoilé Michelin, c’est pas mal.

Pourquoi aimez-vous votre métier ?

J’ai toujours aimé la cuisine, je trouve que, comment dire cela… C’est beau de rendre les gens heureux. On est là pour garder une forme d’authenticité, simple, sans chichis, on essaye d’être juste dans ce que l’on fait. Et si je peux bosser jusqu’à la fin de mes jours je le ferais, je sais que ma femme n’est pas d’accord, mais voilà, quand je suis en vacances, la deuxième semaine je m’ennuie, j’ai envie de retrouver
ma cuisine.