Une langue à défendre

Un Sondage IFOP de décembre dernier indiquait que les Alsaciens sont 21% à parler alsacien en famille, 17% avec des amis et 12% au travail. En 1971, ces chiffres étaient de 57%, 52% et 29%. À Haguenau, l’école A.B.C.M. Zweisprachigkeit (bilinguisme en alsacien dans le texte) tente presque désespérément de renverser la tendance et organise une matinée d’informations le 8 février.

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Les enseignements de cette enquête sur la pratique linguistique et politique en matière de langue régionale sont sans appel et confirment la tendance amorcée il y a plusieurs décennies, la langue régionale se meurt. Ce n’est pas un scoop, mais c’est peut-être la vitesse de l’oubli qui est le plus inquiétant.

Alors, d’irréductibles serviteurs de la langue régionale résistent. Pour l’Association pour le bilinguisme en classes et en maternelles (A.B.C.M. Zweisprachigkeit) les avantages du bilinguisme sont nombreux. Il pourrait accentuer la puissance économique de la région et renforcer l’acquisition et la maîtrise de la langue maternelle, offrant aux plus jeunes des capacités plus importantes notamment dans l’apprentissage des autres langues. «Le don d’acquérir les langues, et notamment sa langue maternelle ou ses langues maternelles, est déposé dans le berceau à tout être humain normalement constitué et les bébés nés dans l’Hexagone ne font pas exception. Ils apprennent effectivement le français. Le problème, c’est qu’ils n’apprennent que le français !», écrit le psycholinguiste Jean Petit sur le tract de présentation de la matinée portes ouvertes de l’A.B.C.M. Zweisprachigkeit à Haguenau, samedi 08 février de 9h à 12h, avec l’idée de faire découvrir l’une des douze écoles de ce type dans la Région, et de prendre des préinscriptions.

Pour Pascale Lux, Vice-présidente de l’association qui défend la langue régionale au sens le plus large du terme, apprendre l’alsacien permet de s’ouvrir à deux cultures, et un peu plus au monde, elle n’oublie pas qu’« en Alsace, l’histoire est compliquée. Après la guerre, on a défendu aux enfants de parler l’alsacien à l’école, on leur disait que c’était pour mieux apprendre le français, alors qu’on sait que c’est vraiment faux. On a francisé l’Alsace. Ceux à qui l’on a interdit la langue régionale ne l’ont pas transmise à leurs enfants. Il faut souligner que la France est encore l’un des rares pays monolingues qui n’a toujours pas ratifié la charte des langues régionales et minoritaires, ce qui est complètement
incroyable ».

Le combat est-il perdu d’avance ?

Les associations le mènent ce combat, elles y croient comme un certain nombre de responsables politiques : « Ils ont enfin compris que c’était une chance pour tout le monde, pour l’économie également. C’est peut-être un raccourci rapide, mais tant que l’on était bilingue, notre économie se portait à merveille, alors qu’aujourd’hui, elle ne se porte pas très bien. Nous pensons que c’est lié au bilinguisme. Quand une entreprise allemande veut s’installer en Alsace, elle se pose des questions qu’elle ne se posait pas il y a encore 20 ou 25 ans », affirme Pascale lux, certaine que le retour à l’enseignement en alsacien et en allemand dès la maternelle avec une pédagogie immersive est un formidable tremplin pour les plus petits.

« Si l’on veut des enfants vraiment bilingues, il n’y a que l’immersion qui marche. Sinon, nous avons des enfants qui comprennent, mais qui ne parlent pas réellement. Nous, ce que l’on veut, c’est que les enfants produisent et qu’ils soient à l’aise avec la langue. Pour des enfants qui apprennent l’allemand, ensuite le français, c’est facile. Ici, ils arrivent dès la petite section maternelle et restent jusqu’au CM2. Après ils peuvent continuer en section bilingue au collège Foch ou au collège des Missions Africaines à Haguenau », poursuit la vice-présidente, heureuse d’organiser une matinée portes ouvertes dans l’école associative, avec la visite faite par les parents très impliqués : « On aime bien que les parents partagent avec d’autres ce qu’ils vivent à l’école. »

Ceux qui viendront pourront également rencontrer des enseignants et leur poser des questions sur les activités des enfants et tout ce qui est attaché à l’école, les activités périscolaires, les ateliers de danse folklorique, le théâtre alsacien, la garderie ou la cantine.

L’espoir d’un bilinguisme plus fort

Pour conclure, revenons sur le sondage IFOP. Un chiffre est plein d’espoir pour les défenseurs de l’alsacien, car 6% seulement des citoyens, qu’ils soient francophones ou dialectophones, veulent qu’on abandonne les efforts pour renforcer le bilinguisme, c’est moins d’un Alsacien sur dix. La majorité de la population est d’accord pour soutenir un effort plus important pour le bilinguisme, ce qui signifie certainement que la matinée du
8 février sera un succès.

Ecole A.B.C.M. Zweisprachigkeit
50 rue Ettore Bugatti à Haguenau. Tél. : O9 72 12 72 68