Steve Risch – Fort en générosité

Fortwenger est une institution qui évoque immédiatement le plaisir. Maxi Flash, le journal le plus gourmand d’Alsace, est allé découvrir les odeurs mélangées d’anis et de cannelle, de girofle, d’orange, de gingembre et de miel à Gertwiller où l’entreprise est installée depuis 1768. Cette période de crise sanitaire est un tournant dans la vie de l’entreprise et de ses 120 salariés. Il y a six mois, le premier producteur de pain d’épices de France a ouvert une boutique sur la plus belle avenue du monde. Rencontre, sous le regard du Manele, avec Steve Risch le PDG roi du pain d’épices.

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Le PDG de Fortwenger, assis sur le lit de son enfance qui se trouve dans le Palais du Pain d’épices à Gertwiller. / ©EG

Vous sortez d’une période très compliquée, très contrastée, la crise sanitaire a bouleversé votre vie et celle de l’entreprise, mais vous en sortez grandi ?

C’est une belle histoire à raconter, une histoire de vie, de solidarité qui a changé notre façon de voir les choses. Moi aussi j’ai changé, même si ma femme vous dira que j’ai toujours été comme ça. Très vite, dès que j’ai compris la gravité de la situation, j’ai été livrer du matériel, notamment dans les EHPAD autour de Barr. Dans l’agroalimentaire, nous avons toujours des masques, des blouses ou du gel hydroalcoolique. Je crois que j’ai été le premier chef d’entreprise à poster quelque chose sur Facebook, quelques mots partagés 100 000 fois. Bon, c’est vrai que par rapport à l’hôpital de Colmar, ce n’était pas grand-chose, lorsque je suis arrivé avec mes 70 litres, on m’a dit « ah c’est cool, il y en a pour quatre heures ». En arrivant avec le matériel ,j’ai compris que la situation était très grave, l’hôpital manquait de tout, même ici en Alsace. Emmanuel Macron venait de dire que nous étions en guerre et sur le terrain, ça donnait vraiment cette impression. Pendant cette période, je n’ai jamais autant travaillé de ma vie. Comme j’avais de la glycérine, on a fabriqué du gel avec l’autorisation de l’ARS. Au total, nous en avons fabriqué 70 tonnes. J’ai fait de super rencontres.

En vous écoutant parler, j’ai le sentiment que vous avez vraiment découvert en vous quelque chose de nouveau. C’est le cas ?

Oui. Je suis chef d’entreprise et j’ai découvert que l’on pouvait mettre en place une vision plus solidaire de l’entreprise, je suis entré dans cette forme d’économie solidaire, presque malgré moi, mais en étant très heureux. On peut faire des affaires sans chercher à en faire, en étant vertueux avant tout. Une entreprise comme la nôtre peut donner du bonheur, avec pas grand-chose finalement.

L’histoire raconte aussi que l’entreprise s’est magnifiquement sortie de cette période compliquée !

Oui. Les mois d’octobre, novembre et décembre, c’est la grosse saison pour nous, nous faisons 70 % de notre chiffre sur cette période, mais c’était lors du deuxième confinement. Tout a été fermé, nos magasins et les marchés de Noël. Mais ce qui est incroyable, c’est que sans l’avoir cherché ou calculé, les gens que nous avons aidés lors du premier confinement sont revenus, ils ont acheté de grandes quantités de pain d’épices. Et puis, il y a eu l’émission Sept à huit de TF1. Les commandes sur le site ont été énormes et finalement, nous avons réalisé notre chiffre d’affaires. Je crois que les gens ont voulu être solidaires avec une entreprise qui l’avait été dans un moment très difficile pour eux.

Quel lien existe entre les 250 ans d’histoire de Fortwenger et cette période que vous venez de traverser ?

Je pense que, ce qui a caractérisé mes grands-parents, puis mes parents, c’est de diriger une entreprise à taille humaine, proche de ses collaborateurs. C’est la culture de l’entreprise, elle existe encore aujourd’hui. Ma porte est toujours ouverte, pour tout le monde, si l’un des salariés de l’entreprise a quelque chose à me dire, il peut venir chez moi directement, quand cela va bien ou quand cela va mal. Cette crise sanitaire nous a encore plus rapprochés, l’entreprise sort grandie dans ses rapports humains entre les collaborateurs, mais aussi avec ses clients.

Du coup, côté chiffres, l’année 2021/22 est une très belle réussite ?

Oui, c’est la plus grande année, nous allons faire un peu plus de 22 millions de chiffre d’affaires.

Et puis, il y a eu l’ouverture de la boutique à Paris.

C’était le bon moment pour y aller. L’emplacement est absolument magnifique, juste à côté de la maison de l’Alsace, c’était une opportunité magnifique et un super pari, c’est le cas de le dire. C’est une grande aventure humaine, nous découvrons la capitale. C’est une vitrine pour l’entreprise et pour l’ensemble des producteurs qui travaillent avec nous. Nos produits seront bientôt dans les magasins de la Tour Eiffel, les galeries Lafayette viennent de nous référencer. Tout cela permet de promouvoir notre entreprise et notre savoir-faire et ça, c’est magique. J’espère que l’on fait la fierté de tous les Alsaciens, en tout cas je reçois beaucoup de messages et de photos des Champs-Élysées devant la boutique.

Être Alsacien, qu’est-ce que cela signifie pour vous ?

Ce sont mes origines, les valeurs qui m’ont été transmises, le partage. L’Alsace est une région à part, les Alsaciens sont soucieux des autres, respectueux des engagements, toutes ses valeurs chevillées au corps me conviennent bien. Il y a ici la rigueur du travail. Je me sens Alsacien pour toutes ces raisons. Moi, je ne serai jamais du Grand Est. 

C’est fascinant d’observer la réussite des familles alsaciennes qui se transmettent leur entreprise, de génération en génération. Quand je vous écoute, je ne suis pas étonné de votre réussite !

Je suis né ici, au-dessus du magasin, comme ma sœur. à cinq ans, lorsque le téléphone sonnait dans la cuisine, on disait « Fortwenger bonjour ». On est tombé dedans comme Obélix est tombé dans la marmite. Mes parents ont toujours beaucoup travaillé, pour moi c’est pareil, il n’y a pas vraiment de moment « On » et de moment « Off ». Et puis, je gère l’entreprise comme un père de famille, sans l’obsession de faire des dividendes. L’idée n’est pas savoir ce que l’on va gagner, mais savoir où en sera l’entreprise dans un an ou deux ans, et comment je vais réussir à passer le témoin à mon tour, c’est notre ambition.

« Le Palais du pain d’épices est la réussite dont je suis le plus fier », déclare le PDG de Fortwenger. / ©EG

Le pain d’épices, que vous fabriquez et que vous produisez en Alsace, est-il encore un produit moderne, dans l’air du temps ?

Oui, il y a tellement de choses à faire, c’est un produit tellement noble. Ici, chez Fortwenger, deux mots nous animent lorsque nous créons un nouveau produit, c’est la tradition et l’innovation. Le Palais du pain d’épices a considérablement rajeuni l’image de notre marque et du pain d’épices. Il permet de connaître la fabrication du pain d’épices et l’histoire de Fortwenger ici à Gertwiller. Avant la pandémie, il accueillait 70 000 visiteurs par an, c’était le quatrième site touristique privé le plus visité d’Alsace. Les enfants sont ravis de venir, ils sont très demandeurs. J’ai fait beaucoup de choses dans ma vie d’entrepreneur, mais ce Palais du pain d’épices est la réussite dont je suis le plus fier.

La famille de votre maman vient de Soultz-Sous-Forêts, vous connaissez donc l’Alsace du Nord ?

Oui, j’aime bien la personnalité des Alsaciens du Nord, ils sont encore plus droits et respectueux que ceux du sud.