Stéphane Aucante, Les passerelles enchantées

Né en région parisienne il y a 50 ans, Stéphane Aucante a beaucoup bougé dans sa vie ; il a d’abord fait carrière dans le cinéma, réalisé des courts métrages, écrit pour la télévision. Au début des années 2000, place aux spectacles vivants, il entame un parcours de directeur de lieux ou d’événements culturels, tout en signant des adaptations et des mises en scène théâtrales. Il écrit quelques chansons pour des spectacles musicaux. En 2015, la direction déléguée de l’Institut français de Naplouse est son premier poste à l’étranger avant de revenir en France, à Bischwiller pour succéder à Denis Woelffel dans le fauteuil de directeur de la Mac depuis ce lundi 11 mars.

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Qu’est-ce qui vous a plu dans ce poste de directeur de la Mac ?

C’est très motivant, le fait qu’il y ait deux salles, dont une pour la programmation du cinéma, la dimension jeune public très présente dans le projet de Denis, il y a un chouette travail a poursuivre, à amplifier, et j’aime aller vers des lieux ou des régions que je ne connais pas, plutôt que de m’installer dans une sorte de confort ou d’habitude. 

Vous ne connaissez pas du tout l’Alsace ?

J’étais venu une fois petit. C’est assez drôle, l’été dernier avec mon épouse, nous avons eu envie de nous mettre au vert quelques jours et nous avons décidé de venir en Alsace. Nous n’étions pas loin de Bischwiller, sans savoir que, quelques semaines plus tard, nous allions nous installer ici. Je suis très heureux d’être là.

Comment définir votre projet ?

Il est basé sur la notion d’enchantement. C’était ma proposition. J’ai envie d’enchanter la vie en proposant de beaux spectacles. J’essaye de m’accrocher à cette idée que l’on a beaucoup à partager quand on se rencontre autour de la culture, c’est un acteur fort de lutte contre les différences. Je vais m’appuyer sur le travail de Denis, qui a tracé de chouettes chemins, je veux à la fois être dans la continuité tout en amenant un regard différent, un état d’esprit, plus décalé peut-être.
La Mac est un endroit structuré, sain, organisé, très reconnu sur le territoire, je crois que l’on peut se permettre de poser des choses différentes. L’enjeu est de faire venir un nouveau public, sans perdre l’ancien. 

Quelques mots sur votre livre qui vient d’être publié.

J’ai écrit «Naplouse, Palestine» pendant mes deux premières années en poste de directeur délégué de ce qui venait d’être renommé «l’Institut français de Jérusalem, antenne de Naplouse». Je quittais un pays dont la devise devrait être « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué » pour un territoire qui aura subi, depuis des millénaires, toutes les complications, et où les gens ont malgré tout réussi, en surface, à rester « simples ». Ce livre raconte les histoires de vingt et une personnes croisées au XXIe siècle. Pour comprendre. Essayer de comprendre. Car à Naplouse, j’ai souvent croisé l’incompréhensible. Expatrié au coeur d’une culture que je ne connaissais pas, réellement étranger à tout, j’ai perdu beaucoup de mes certitudes. Ce sont vingt et un visages comme autant de repères, de points d’ancrage dans une ville, un territoire, un monde bouillonnant, bruyant, sinueux, insaisissable : le monde arabo-musulman. M’aidant à ne pas perdre ces ports d’attache universels que sont la curiosité, l’empathie, l’émotion à fleur de peau, ces visages m’ont fait voyager au coeur d’histoires intimes, tristes ou gaies, et approcher, je crois, les rivages tourmentés de «La Grande Histoire». Celle où, entre autres, depuis soixante-dix ans maintenant, un peuple en « occupe » un autre. Mais qui encore s’en « préoccupe » ? À Naplouse, les Palestiniens eux-mêmes ont eu souvent cette force incroyable de me faire oublier ce qu’ils subissaient. Ce livre leur est aussi dédié.