Retour à Lichtenberg

Jusqu’au 03 novembre au Château de Lichtenberg, l’exposition temporaire « Mémoires de Guerre – Les habitants du territoire de Hanau-La Petite Pierre dans la tourmente entre 1939 et 1945 » présente des textes, des documents, des archives et des objets issus de musées ou de collections privées illustrant la vie quotidienne durant cette période.

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©eric genetet

A découvrir, un théâtre d’ombres autour de la bande-son du film « Le Jour le plus long », l’arbre à valises distillant les récits de Sylvie Reff et Germaine Hausser avec huit valises d’où s’échappent des lectures et des témoignages qui se mélangent avec les cris des oiseaux, un film aux récits poignants, mais aussi bien d’autres choses, pour ne pas oublier. 

Sept thématiques sont abordées : les débuts du conflit, l’occupation, l’incorporation de force, la communauté juive, la résistance, l’opération
« Nordwind » et la Libération.

Les messages de Radio Londres nous accueilleront à notre arrivée. C’est la Compagnie le Bruit qu’ça Coûte qui a mis en lumière cette période de notre histoire. En 2017, la Compagnie avait déjà travaillé sur le Journal de Louise Jund, habitante de Lichtenberg racontant l’opération Nordwind. Cette année, elle propose des mises en voix et des créations musicales autour des témoignages d’habitants du territoire récoltés par la Communauté de Communes de Hanau-La Petite Pierre, 25 au total. Cinq installations sonores disséminées dans différents lieux du château complètent le discours historique. 

L’opération Nordwind 

Louise Jund était institutrice à Strasbourg, mais elle rentrait tous les week-ends à Lichtenberg. Durant l’opération Nordwind, coincée au village, puis réfugiée au château, elle a vécu les évènements et raconte toute l’opération dans son journal. Pendant l’exposition, en écoute immersive dans les casemates, on découvre des extraits du récit magnifiquement mis en voix.

Témoin de l’époque Joseph Keller raconte que l’opération NordWind débuta le 31 décembre 1944 : « Les Américains s’étaient retirés dans la forêt à Ingwiller avec tout leur matériel. Les Allemands étaient à Reipertswiller et cherchaient à franchir les Vosges du Nord ». Les combats ont duré trois mois. Les habitants de la région de Lichtenberg se sont réfugiés dans les caves des maisons, mais une grande partie était au château : « La première fois que je suis monté, c’était en août ou en septembre 1945, mon grand-père m’y avait emmené et nous avons fait le tour extérieur, car il était fermé par des barbelés. J’avais à peine six ans », explique Joseph Keller.

« Mots / Maux de guerre »

Le film « Mots / Maux de guerre » réalisé par Philippe Aubry, avec des images d’Isabelle Lechner de la Compagnie le Bruit qu’ça Coûte, est projeté dans l’auditorium du château. D’une durée de 20 minutes, il est sous-titré en alsacien et s’ouvre par la chanson « Malgré-nous » de Sylvie Reff. On entend les voix, on ne voit pas les visages: un extrait de la lettre de Jacques Baltzer d’Imbsheim, incorporé de force en 1943 et mort sur le front russe, les mots pleins d’émotion de Jean-Jacques Wehrung qui raconte la violence et la haine, les plaies de l’après-guerre et les difficultés à parler de ceux qui avaient entre 20 et 25 ans et qui ne savaient pas pour quelle cause on les obligeait à se battre. Il y a aussi les mots du déporté Robert Salomon, ou le témoignage de Marcel Hausser de Neuwiller-les-Savernes incarcéré au camp de redressement nazi de Schirmeck-La-Broque et qui s’est évadé. 

La naissance de l’exposition 

Gaëlle Messang, animatrice du patrimoine au Château de Lichtenberg raconte d’où est venu l’idée de l’exposition : « L’office de tourisme a récolté des témoignages sur tout le territoire, sur tous les sujets comme Noël, des recettes et évidement il y a eu beaucoup de témoignages sur la Deuxième Guerre mondiale. Le but était de mettre en place des circuits dans les villages ; les gens téléchargent une application sur Cirkwi, quand ils se promènent dans les villages ils écoutent les témoignages. Parallèlement, en 2017, nous avons demandé à la Compagnie le Bruit qu’ça Coûte de nous mettre en sons le journal du Louise Jund, qui a vécu l’opération Nordwind. Le succès fut tel que nous avons décidé de faire quelque chose de ces témoignages et du journal de Louise à destination du grand public. Pour montrer aux plus jeunes que la guerre, que l’on voit toujours à la télé dans les documentaires, s’est passée ici, avec leur grands-parents ou arrière-grands-parents. Du coup, ça éveille la curiosité », dit-elle. 

Dans les musées du territoire qu’elle a sollicité, il n’y avait pas grand-chose, mais des particuliers et des collectionneurs ont prêté des objets qui étaient, le plus souvent, au fond d’une cave. 

« C’est incroyable de les avoir récupérés, ils illustrent parfaitement les sons créés par la Compagnie. Il y a des livres d’école de Weiterswiller, un plan de Bouxwiller avec la Adolf Hitler Platz, des cartes de rationnement de Menchhoffen et des photos de Bouxwiller avec des drapeaux nazis ou encore d’autres de la libération. On a fait de grandes découvertes ». Comme ce dictionnaire français/anglais en phonétique qui appartenait aux Américains, des canettes de Coca ou des boîtes de ration. « On a mis des visages sur les personnes qui étaient dans les conversations, comme cette dame de Wingen-sur-Moder qui est morte il y a très peu de temps et qui a fait le RAD, le service du travail en Allemagne. Un collectionneur de Haguenau nous a prêté une gourde qu’il a trouvée dans la forêt de Reipertswiller sur laquelle est inscrit le nom de son propriétaire, il a même retrouvé la famille aux États-Unis, puis il a fait venir une veste d’un homme qui a combattu ici pendant l’opération Nordwind », explique, passionnée, Gaëlle Messang. 

L’animatrice du patrimoine a trouvé des documents dans les archives du lycée et du collège de Bouxwiller et n’oublie pas de raconter cette histoire d’un avion US qui s’écrase dans la forêt de Zittersheim, à quelques kilomètres du château ; les villageois enterrent alors le corps du pilote. À la fin de la guerre, la famille vient le récupérer et, en guise de remerciement, offre de l’argent pour refaire les vitraux de l’église.

Toutes ces histoires sont à découvrir jusqu’au 3 novembre au Château, et comme l’affirme l’autrice et chanteuse Sylvie Reff : « Cette expo est nécessaire. Les témoins se font rares. Dans 10 ans, il n’y en aura plus pour rétablir la vérité ». Il ne reste plus qu’à éditer un livre, pour que toutes ses histoires ne disparaissent pas dans l’oubli, et aussi compléter cet essentiel et magnifique travail de mémoire.  

Infos aux 03 88 89 98 72

À noter le dimanche 23 juin de 10h à 18h, la journée de reconstitution 1939-1945 : de nombreux bénévoles en costumes d’époque feront revivre la vie quotidienne des soldats à cette période.