Luna Moka – Les jours heureux

Son truc c’est l’effeuillage burlesque. Il y a cinq ans, elle a ouvert La Clandestine, son école, pour transmettre sa passion. Mais elle continue à se produire sur les scènes de la région dans la troupe des Pin-Up d’Alsace ou dans des spectacles de cabaret, art du cirque, chant, effeuillage et danse. Avant les portes ouvertes de La Clandestine, Maxi Flash a rencontré Claire, la fabuleuse Luna Moka.

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©Eric Genetet

L’un des trucs que l’on remarque en premier chez vous ce sont vos tatouages…

J’ai fait le premier à Londres. Le tatouage fait partie de la culture Pin-up et du burlesque. Dans ce monde-là, presque toutes les filles sont tatouées. Je ne sais pas pourquoi. Les filles qui suivent des cours à La Clandestine le sont aussi.

Comment et pourquoi avez-vous créé le personnage de Luna Moka ?

J’ai débuté à Londres lorsque j’y habitais après mes études de tourisme, je travaillais dans une agence de voyages et c’est là-bas que j’ai découvert le burlesque et l’effeuillage. Je ne connaissais pas du tout. J’ai découvert une école de French cancan, en Angleterre, oui, c’est étonnant. J’ai suivi des cours et c’était parti.

Qu’est-ce qui vous a attiré dans cet univers ?

Les paillettes, les costumes, c’était mon truc. J’ai été élevée par ma grand-mère qui était couturière et qui avait chez elle un atelier de couture. J’ai toujours baigné là-dedans. Elle me fait mes vêtements depuis que je suis toute petite. Quand j’étais dans les Vosges, nous avons beaucoup participé à des carnavals. J’ai encore tous mes costumes.

Vous êtes née à Saint-Dié, à quel moment êtes-vous arrivée en Alsace ?

Après Londres. J’avais des amis ici, alors je me suis installée à Strasbourg. Cela aurait pu être n’importe où ailleurs. J’ai trouvé un job de réceptionniste au Hilton, et j’ai commencé à organiser des stages de burlesque. Trois ans après, j’ai quitté mon boulot et je me suis lancé. J’ai fait des spectacles, notamment avec Coco Das Vegas.

©EG

Vous êtes à l’origine de la création des Pin-Up d’Alsace ?

Oui, les trois autres filles de la troupe sont mes anciennes élèves. On s’est rencontré à mes débuts. Ça marche toujours très fort, on travaille tous les week-ends, pas seulement en Alsace, on va en Lorraine, au Luxembourg, en Suisse, on était à Saint-Malo il y a quelques jours. Je dis toujours que je suis arrivée à Strasbourg au bon moment, mes cours et les spectacles ont toujours marché, et je ne sais pas si c’est comme ça dans d’autres villes. Les Pin-Up d’Alsace ont maintenant une belle notoriété, on fait beaucoup de soirées privées et même la Foire aux vins tous les ans.

En 2017, vous avez ouvert La Clandestine, votre école, parlez-nous de son principe ?

Je ne fais que du burlesque, je ne suis pas prof de french cancan ou de swing tonic fitness, de comédie musicale ou de claquettes, mais j’ai eu de la demande, alors j’ai engagé des profs. Il y a aussi des cours de charleston, ou un nouveau cours sur des musiques actuelles comme Beyoncé ou Lady Gaga, genre girl power, que l’on a baptisé diva danse. On accueille environ 150 élèves par an, sans compter les stages. Ce sont des cours qui réunissent 15 à 20 personnes et qui durent d’une heure quinze à deux heures.

En fait, maintenant tout le monde veut faire du burlesque ?

Les filles s’inscrivent, mais elles ne connaissent pas les stars du burlesque. Je leur en parle pendant les cours, car pour moi cela a beaucoup d’importance. Lorsque j’ai débuté, j’ai vu des filles sur scène que je trouvais incroyables et je pense qu’il est très important de savoir d’où ça vient, qui sont ces personnes qui ont fait revenir le mouvement. Je leur parle de l’Américaine Dita Von Teese, qui est surnommée la reine du burlesque, même si elle est devenue un produit marketing, c’est quand même la référence. L’année dernière, on a fait une chorégraphie sur Bettie Page, la pin-up américaine par excellence.

Et Luna Moka, c’est une star ?

Star peut-être pas, mais j’ai une petite notoriété en Alsace en tout cas.

Vos élèves ne sont que des filles ?

Ah oui. On aimerait bien, mais il n’y a pas de garçon. Enfin, si. Il y en a un seul dans notre cours de claquettes.

Pourquoi l’avez-vous baptisée La Clandestine ?

Je souhaitais un nom qui rappelle le côté boudoir, les années 30, la prohibition, tout ça. J’aime aussi ce nom parce qu’il est très français ; le mouvement est quand même né en France avant de disparaître, car on considérait les filles comme des prostituées. Mais il est revenu aux États-Unis dans les années 50.

La Clandestine ©Document Remis

Dans cette époque où le jugement est un jeu quotidien, comment vous situez-vous ?

Ici, on reflète la femme qui s’assume, qui sait ce qu’elle fait, qui fait ses choix de vie. Beaucoup de femmes viennent parce que ça ne va pas, parce qu’elles sont très réservées, qu’elles ont perdu confiance en elles, et j’en ai vu se transformer et s’épanouir, certaines viennent du Nord Alsace d’ailleurs. Après, le regard des autres… Certains partagent cette façon de s’assumer, le côté girl power, c’est plutôt positif en général, mais il y a toujours des critiques. Et puis, je dois dire qu’il y a encore des femmes qui n’osent pas s’inscrire, car elles pensent qu’elles n’ont pas le corps pour ça et cela me rend ouf. Mais en fait si, l’école est ouverte à toutes les femmes. Il y a aussi des filles qui exercent un certain métier et qui ne veulent pas apparaître dans le spectacle de fin d’année, mais ça, je le respecte.

Êtes-vous toujours habillée de cette façon ?

Non, dans la vie de tous les jours je suis très nature, en robe et en chaussures plates, j’ai besoin de confort. Là, je me suis apprêtée pour l’occasion. Mais dans la troupe des Pin-Up d’Alsace, il y en a qui s’habillent chaque jour de cette façon.

Êtes-vous heureuse dans la vie ?

Oui. J’ai très mal vécu la période du covid, deux années horribles, mais je viens de déménager à la campagne et je suis bien, je fais pousser des légumes, je fais de la couture, j’ai des chats et ma vie professionnelle est épanouie.