La grossophobie à la diète !

Ils sont près de 8 millions en France. Les personnes grosses, en surpoids, de forte corpulence ou obèses sont discriminées et stigmatisées, victimes de rejet de la part de leurs collègues, de serveurs, de vendeurs, ou même de médecins parfois blessants. Exclusion à l’embauche, sièges inadaptés dans les lieux publics, les formes d’oppressions sont multiples, mais grâce aux engagements de l’Alsacienne Audrey Kessouri, de la militante Gabrielle Deydier ou encore du modèle et DJ Leslie Barbara Butch, cet épineux problème semble s’améliorer. Ou pas !

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En 2016, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estimait qu’environ 13% des adultes étaient obèses. La semaine dernière, lors du congrès européen de Vienne sur le sujet, des chercheurs danois et britanniques ont affirmé que si rien n’était mis en œuvre pour inverser la tendance, un quart de la population mondiale pourrait être obèse en 2045. Cette hausse entraînera aussi celle du risque de diabète à très grande échelle.

Les « gros » se cachent

Les solutions ne se trouvent pas dans les tentatives de régimes, pour la plupart voués à l’échec, car les causes de l’obésité sont nombreuses et souvent multifactorielles. C’est une pathologie, avec une composante environnementale importante, mais aussi une grande inégalité biologique ; dans un même environnement, certains deviendront obèses et d’autres pas. La plupart ont en permanence envie de se terrer dans un trou de souris, ne supportant plus les commentaires infantilisants, condescendants et les bons conseils. La valeur et le caractère des gens se reflètent-ils dans leur assiette ? Évidemment non, mais les « gros » se cachent et cela provoque des conséquences négatives sur leur santé, ils ont moins souvent recours au système de soins.

Les mauvais points dès l’enfance

“La société ne veut pas de moi, et elle me le prouve”, a dénoncé la militante Gabrielle Deydier dans Le Monde. Confrontée quotidiennement comme tant d’autres au problème, elle se sent exclue. Et pire encore, l’apologie constante de la minceur pose plus de soucis de santé que l’obésité, surtout chez les enfants. Quand une fillette demande très souvent si elle est jolie et si elle ressemble à une princesse, c’est qu’elle a visiblement bien compris que l’apparence et la taille du corps ont de l’importance, que c’est essentiel dans notre société.

Des études montrent que les enfants n’ont jamais été moins satisfaits de leurs corps qu’aujourd’hui, que dès 3 ans, ils considèrent l’embonpoint comme « mauvais » et la minceur comme « bonne », que plus d’un tiers des fillettes de 5 ans limitent leur alimentation afin de rester sveltes. Pas étonnant si un tiers des lycéennes sont concernées par les troubles alimentaires. De plus, et c’est le cœur du problème, les jeunes qui n’aiment pas leur corps sont ceux qui développent une dépression et des troubles du comportement alimentaire ou d’autres habitudes dangereuses.   


 

Le temps du dialogue avec Audrey Kessouri, « Sois belle et sois toi »

Miss Ronde Univers 2018, l’Alsacienne Audrey Kessouri, 37 ans, 1m65 pour 85 kg, affirme représenter au mieux les femmes d’aujourd’hui. Nous lui avons demandé de réagir au dossier publié par Télérama (couverture ci-contre) avec en couverture, une photo magnifique de Leslie Barbara Butch (DJ, modèle et activiste engagée pour les droits LGBT) au sujet de la grossophobie.

Avez-vous été victime de discrimination à cause de votre physique ?

Je n’ai jamais été une victime. Dans mon enfance, j’ai montré les dents dès qu’il le fallait. La bêtise existe dès lors que l’on ne rentre pas dans le moule, moi, je lutte plutôt contre la bêtise humaine plutôt que contre la grossophobie en elle-même et je pense que d’autres en ont bavé plus que moi pour autre chose que le poids.

Avez-vous été confrontée à la discrimination à l’embauche, par exemple…

Cela existe, on ne peut pas le nier, mais je ne l’ai pas vécu. Aujourd’hui, je suis cheffe de service dans une collectivité, j’ai toujours eu des responsabilités dans ma vie professionnelle, mais je peux vous dire que lorsque j’ai été Miss ronde univers pendant trois ans, je me suis battue pour dire que ce n’était pas rien, mais le sujet n’intéressait pas vraiment.

Estimez-vous faire partie de la catégorie des grosses ?

Je ne m’estime pas grosse, mais pulpeuse.

C’est une façon de vous accepter ?

Chacun fait son chemin pour accepter ce qu’il est. Être bien dans ma peau était ma priorité et c’est ce que j’essaye de transmettre aux gens avec mon blog (beyoutifulproject.fr). J’ai fait en sorte de m’accepter comme je suis, pas de « m’assumer », car je ne vois pas ce que j’ai à assumer. Même une fille que l’on dit super belle peut avoir des complexes. Pour être claire, je suis en surpoids, mais je n’ai aucun problème de santé. Je n’ai pas de cholestérol, tous mes examens sont excellents. Il n’y a pas de généralités là-dedans, quelqu’un en surpoids n’est pas forcément en mauvaise santé, contrairement à ce que l’on peut raconter, et quelqu’un de mince peut rencontrer des problèmes de santé.

«L’obèse a toujours l’image du gourmand qui s’adonne à une jouissance solitaire, d’une personne qui se place en dehors du circuit des adultes sur un mode régressif», a déclaré dans le Figaro le psychiatre et nutritionniste Bernard Waysfeld. Qu’en pensez-vous ?

Il y a des moments où tu te replies, où tu ne vas pas bien, quand tu es en stress… et la nourriture permet de t’apaiser, je peux en parler, je l’ai vécu. Je suis d’accord avec cette phrase, c’était mon souci pendant de nombreuses années. Je compensais une angoisse, un manque.

Des études montrent que des professionnels de santé sont moins tolérants envers les obèses…

C’est vrai. On m’a toujours dit « mais c’est facile, si tu perdais 10, 15 ou 20 kg, tu serais tellement mieux ». J’ai vécu une longue période où je faisais du sport trois fois par semaine, de la course à pied, je mangeais équilibré, je cuisinais à base de produits locaux et frais, etc. et je n’ai jamais perdu 1 gramme.

En France, il y a 6 millions et demi d’obèses et près de 2 millions de personnes souffrent de surpoids. Notre société ne semble pas vraiment adaptée, comment vivez-vous cela ?

Je fais rarement les magasins, j’achète mes vêtements sur Internet, car il est quasiment impossible de trouver un 46/48 qui ne fasse pas vieillot, mais un peu sexy.

Êtes-vous engagée dans un combat, à l’image de Leslie Barbara Butch ?

Je ne combats personne. J’ai fait un travail sur moi et c’est cela que j’essaye de transmettre. J’ai voulu me prouver des choses à moi-même avant de les prouver aux autres. J’ai eu la chance d’être beaucoup suivie en Alsace, cela a donné du poids à mes messages, mais quand j’ai essayé d’entrer en contact avec des agences de mannequins, elles n’ont jamais donné suite, on me disait souvent que j’étais trop petite pour défiler, et même chez les rondes il y a de la discrimination, personne ne se fait de cadeau, en fait.