Les vertus de la paresse

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Avec la colère, l’avarice, l’envie, l’orgueil, la gourmandise et la luxure, la paresse est l’un des 7 péchés capitaux, un vice dangereux pour l’être humain et la société, dit-on. Mais dans notre monde qui va de plus en plus vite, où l’on a le sentiment d’en faire toujours plus, la flemme peut aussi démontrer une grande sagesse.

Dans la Grèce et la Rome antiques, le travail était une servitude. L’activité pour satisfaire besoins matériels et survie n’était pas valorisée. Les esclaves travaillaient pour que les hommes libres puissent se consacrer à l’art, à la philosophie, à la politique. Il faudra des siècles pour renverser la tendance et faire du travail une valeur, puis parfois une servitude, une allégeance.

Et si la paresse nous mettait sur la voie d’une société plus juste, favorisant l’épanouissement de chaque humain ? Il y a quelques jours, la revue We Demain a publié un entretien avec l’écrivain Tom Hodgkinson, le fondateur de la revue britannique «The Idler» (L’Oisif) et auteur de «L’art d’être oisif dans un monde de dingue» ouvrage sorti en 2004 et enfin traduit en France (Les Liens qui libèrent). Cet essai, vendu à plus d’un million de « fainéants », explique qu’être paresseux permet d’être plus productif au travail : « Quand vous travaillez trop, votre système immunitaire se fatigue. Conséquence, vous tombez malade. Paresser permet de rétablir votre santé physique et mentale. Deuxièmement, cela favorise la créativité. Faire le dilettante est nécessaire pour laisser les idées émerger » et Tom Hodgkinson de poursuivre avec deux exemples. Celui de John Lennon qu’il considère comme un génie et qui passait beaucoup de temps à ne rien faire, et celui d’un autre anglais, le Docteur Johnson, auteur du premier dictionnaire anglais, qui passait toute la matinée allongé.

Ensuite, nous explique Hodgkinson, la paresse peut aider à résoudre des problèmes : « Combien d’entre nous ont trouvé une solution après une bonne nuit de sommeil ? Le repos active différentes parties de notre cerveau ».

Être paresseux permet de se dédier à l’art, à la philosophie. Socrate n’a jamais rien écrit, il ne travaillait pas, il restait là, à traîner, il s’asseyait et se mettait à parler toute la journée, en buvant beaucoup de vin. Pourtant, il a inventé la philosophie. Enfin, « cela permet d’avoir une vie spirituelle, de méditer, de prier, d’entrer en pleine conscience, de se recentrer sur nos objectifs essentiels. L’oisiveté permet de se connecter à la nature, nous qui sommes majoritairement urbains. Vous voyez, c’est vraiment quelque chose de noble de ne rien faire » conclut l’auteur.

« Le paresseux est plus libre parce qu’il a moins de contraintes »

Inutile de culpabiliser plus longtemps, il faut passer du temps à ne rien faire sans plus attendre. Marie Bertolotti écrit sur son site desirdetre.com, qu’il s’agit d’une quête de liberté. Si elle désigne le fait de chercher à effectuer le moins d’effort possible, elle désigne également celui de se consacrer au temps libre : « Le paresseux est plus libre parce qu’il a moins de contraintes. Il profite de la vie ». Faire l’éloge de la paresse, des grands plaisirs de l’existence, c’est faire l’éloge de la liberté. Attention néanmoins à ne pas s’isoler, et de rester indifférent à tout. Il faut donc faire les efforts nécessaires pour connaître des expériences enrichissantes. Alors, ne rien faire, oui, mais pas tout le temps. La paresse deviendrait un vice seulement si elle est notre moteur, un mode de vie qui finit par essorer notre pensée.

La paresse bénéfique pour la nation ?

Alors, comment concilier travail et oisiveté, si l’on doit assumer ses charges et ses crédits à rembourser? Tom Hodgkinson conseille de vivre plus frugalement, de s’installer à la campagne, de travailler chez soi, de créer son entreprise, pour mieux s’organiser. Il est persuadé que si les gens travaillent moins, c’est plus rentable économiquement :
« Je suis certain que la productivité augmente quand les heures de travail se réduisent. Si quelqu’un arrivait à prouver que la paresse est bénéfique pour la richesse de la nation, cela deviendrait plus acceptable. Il va encore falloir se battre pour être paresseux » dit cet employeur qui gère une librairie et édite un magazine : « Je fais en sorte que la société prospère. Nous avons des actionnaires. C’est un business complètement capitaliste. Nous essayons de trouver de nouveaux fonds, de nouveaux abonnés… On m’accuse d’être devenu un hard worker, mais je vais au bureau de 10h30 à 18h. Certains jours, je reste à la maison, ma femme fait de même. Au départ, je reconnais que l’organisation n’a pas été si simple avec nos salariés : je leur demandais de respecter des horaires ! Puis j’ai accepté la flexibilité. Je n’ai plus que deux assistants et je fais appel à des freelances. Travailler à horaires fixes cinq jours par semaine est compliqué notamment pour de jeunes parents. J’aimerais continuer à démontrer que l’on peut avoir une entreprise florissante sans bosser comme un fou ! »

Il est vrai que l’on peut aussi aimer travailler comme un dingue et en être complètement épanoui, mais pour éviter la surchauffe, faire des breaks s’impose. Il est bon d’oublier son téléphone, de passer un moment avec soi-même pour trouver le bon équilibre et cesser de vouloir tout gérer, soyez heureux et marcher en pleine nature, léger comme l’air.

C’est ce que je vais faire maintenant, car, je crois que j’ai beaucoup trop travaillé pour aujourd’hui.