Le livre « footballitique » d’Olivier Guez : Une passion absurde et dévorante

Comme l’Euro, à cause du covid-19, la publication d’Une passion absurde et dévorante a été décalée d’un an. L’écrivain alsacien Olivier Guez revient une nouvelle fois sur sa passion du foot née à l’âge de 8 ans en regardant le Mondial. C’est un vertige, un immense frisson. Un virus inoculé à jamais. Cette même année, il assiste pour la première fois à une rencontre du Racing à la Meinau, son théâtre des rêves baigné par une odeur de chocolat, car à l’époque une usine Suchard fumait juste à côté du stade, personne n’a oublié. 35 ans plus tard, il donnera le coup d’envoi de Racing-PSG après la remise du prix Renaudot pour son livre La disparition de Josef Mengele. Entre-temps, il a écrit sur sa passion dévorante (Éloge de l’esquive en 2014) et plus tard dans la presse, notamment dans Le Monde pour la Coupe du monde 2018. Une passion absurde et dévorante (L’Observatoire) est l’ouvrage d’un homme absolument passionnant, un livre « footballitique ».

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Olivier Guez dans l’un de ses quartiers préférés à Paris. ©eg
Pour moi, votre travail sur ce livre est politique. Vous écrivez que le Qatar finance les Frères musulmans et des organisations visant à la propagation d’un islam rigoriste et puritain, au renforcement du communautarisme, vous évoquez une rencontre décisive entre Sarkozy, le Prince du Qatar et Platini, mais aussi le PSG, Poutine en 2018, les scandales de la FIFA ou l’une des plus grandes aberrations de l’histoire du sport, l’organisation de la coupe du monde 2022 au Qatar. C’est courageux… 

Courageux, je ne sais pas, je suis totalement extérieur au monde de football et j’ai cette liberté de pouvoir écrire. La FIFA est une organisation mafieuse, je l’ai perçu en Russie en 2018, c’est absolument dégoûtant, à vous dégoûter du football. Le Mondial au Qatar est une aberration de A à Z. C’est un pays qui n’a aucune tradition footballistique, écologiquement c’est n’importe quoi, une Coupe du monde c’est aussi le folklore, les supporters qui viennent du monde entier, les hommes et les femmes, la liberté de consommer de l’alcool… mais comme il est ultra puissant et richissime, tout le monde ferme sa gueule et tout le monde ira au Qatar. Quant au PSG, oui, je dis ce que je pense. L’arrivée d’un État dans un club, pour moi ce n’est plus du sport. Le PSG est la danseuse du Qatar. C’est la vitrine pour faire oublier ce qui se passe dans l’arrière-boutique. 

Votre livre commence par un texte de fiction : vous êtes une future star du foot, Daniel Hechter décide de vous faire jouer en bermuda bleu ciel, les frères Panini dépêchent Henri Cartier-Bresson pour la photo de la saison, votre maman demande à votre entraîneur si vous êtes l’égal de Maradona qui pour vous est la plus grande personnalité de l’histoire de ce sport. Votre ouvrage est rempli de nostalgie, de mélancolie même. La dernière partie est consacrée à un long séjour en Argentine, là où vous avez écrit ce texte qui, je pense, est un manifeste sur le foot d’avant, le foot que l’on a aimé quand on était môme !

C’est un manifeste sur une certaine idée du football, ce que je retrouve quelques fois, rarement. C’est surtout un livre sur ma façon d’appréhender ce sport. J’ai adoré jouer, je continue à suivre les grandes compétitions internationales. Il y a cette passion-là, toute simple, que nous sommes des milliards à partager. Je l’ai écrit pour raconter tout ce que le foot peut apporter à la connaissance, de la géographie, des sociétés, des gens, du monde. 

Oui, c’est le « miroir du monde » comme le pensait l’écrivain uruguayen Eduardo Galeano que vous citez. 

Le miroir du monde, le reflet de tout. Aujourd’hui le foot est le meilleur miroir de la mondialisation. Je me suis amusé à comparer le transfert de Zidane, de Cannes à Bordeaux en 1992, et celui de Mbappé, de Monaco au PSG. On parle de génies du football, ce sont des choses relativement comparables, celui de Mbappé est 360 fois plus élevé. Ce chiffre raconte tout de l’histoire du football de ces 25 dernières années. Tout le monde veut mettre la main sur le ballon. Les enjeux sont absolument énormes, on peut trouver ça scandaleux, hallucinant et également fascinant. 

Vous publiez un livre sur le football, après La disparition de Josef Mengele, c’est un choix singulier ? 

On peut aimer la littérature et le football. L’amateur de football n’est plus vu avec suspicion et dégoût. J’avais envie de partager cette passion. Mon prochain livre sera totalement différent, il se passera pendant la Première Guerre Mondiale et dans les années 20 au Moyen-Orient. J’adore mélanger les genres, j’ai la chance d’avoir cette liberté totale, j’en profite. 

Dans ce livre, vous mentionnez trois joueurs du Racing Club de Strasbourg: Dominique Dropsy, Peter Reichert et Marc Keller (dans les remerciements) !

J’aurais pu en citer beaucoup d’autres, car après le premier match que j’ai vu, c’était face à Auxerre en 1982, j’ai toujours été fidèle à la Meinau, même si cela fait 25 ans que je ne vis plus en Alsace. J’aurais pu aussi parler d’Alexander Mostovoï, le plus beau joueur que j’ai vu évoluer à Strasbourg, ou de Frank Lebœuf avec qui je suis devenu ami. Le point de départ, c’est mon père; gynécologue de son État, il soignait des femmes de joueurs et il m’arrivait de croiser Frank. Ce qui est marrant avec lui c’est que sa carrière et mon parcours n’ont pas arrêté de se croiser. Quand il a joué à Chelsea j’étais étudiant à Londres et il m’a invité à des matchs. Lorsqu’il jouait au Qatar, je travaillais pour le journal La Tribune et j’avais promis un reportage sur ce qui allait devenir l’eldorado du gaz. Mais la vraie raison pour laquelle je voulais aller là-bas c’était pour voir Frank qui m’avait promis une rencontre avec Gabriel Batistuta. Ensuite, je me suis installé à Berlin quand Franck commentait la Coupe du monde avec Thierry Roland sur M6, il est venu très régulièrement à la maison.