Le bien-être animal : D’autres chats à fouetter

Les progrès de la science ont amené l’homme à jeter un regard nouveau sur l’animal. La question de sa place dans notre société est plus que jamais d’actualité. Les Français ne cautionnent plus la souffrance animale, les images de l’expression des moutons, des vaches, des oiseaux, des chèvres ou des alpagas qui meurent dans les conditions indignes sont insupportables. Pour beaucoup, cette cruauté doit s’arrêter au plus vite. Le problème c’est que la vitesse n’est pas le fort du gouvernement français, et qu’ici les freins sont nombreux.

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En septembre, Barbara Pompili a annoncé des mesures sur le bien-être animal, mais, si elles vont dans le bon sens, elles ne sont assorties d’aucun calendrier, elles sont trop faibles et bien en deçà des attentes : « Ces annonces arrivent après plus d’un an d’attente. Ce ne serait pas inquiétant si elles n’étaient pas si floues. Plus de vingt-trois pays en Europe ont déjà légiféré avec clarté ! L’Inde, New York ont légiféré ! On attendait de la France un rugissement pour tous ces animaux en souffrance, elle a timidement miaulé », explique Muriel Arnal, Présidente de l’association strasbourgeoise One Voice.

Une proposition de loi en faveur du bien-être animal portée par Cédric Villani (Écologie Démocratie Solidarité, EDS) a été débattue en commission à l’Assemblée nationale. Une partie des mesures proposées avaient déjà fait l’objet d’une annonce par la ministre de la Transition écologique. Là aussi, rien n’a vraiment bougé :
« Ce qui est sûr, c’est qu’en France, le thème du bien-être animal a beaucoup de difficultés à avancer »,
affirme le Haguenovien Jean-Marc Neumann, passionné par les animaux depuis son plus jeune âge, juriste d’entreprise depuis plus de trente ans et spécialisé dans le droit de l’animal. Pour celui qui fut administrateur, puis vice-président de l’association « Droit Animal éthique et sciences », le problème français est dû aux lobbys : « Le lobby agricole comme celui de la chasse est vent debout contre toutes réformes qui remettraient en cause leurs pratiques. La corrida, qui d’ailleurs ne subsiste que grâce à des subventions, est une activité qui semble appréciée par un certain nombre d’hommes politiques », argumente Jean-Marc Neumann.

Un référendum d’initiative partagée tué dans l’œuf ?

Depuis la modification de l’article 515 du Code civil qui a reconnu les animaux comme des êtres vivants doués de sensibilité en 2015, il ne s’est pas passé grand-chose. En 2017, Ségolène Royal, alors Ministre de l’Écologie, avait pris un arrêté pour signifier l’arrêt des quatre delphinariums français, un arrêté annulé par le Conseil d’État en janvier 2018. Depuis, rien, jusqu’aux annonces de Barbara Pompili. Il faut dire que les Français commencent à exiger des réponses. Un exemple avec le référendum d’initiative partagée pour les animaux porté par des entrepreneurs comme Xavier Niel (patron de Free), le journaliste Hugo Clément et une soixantaine d’associations. Ce RIP appelle notamment à la fin de l’élevage en cage et à l’obligation de l’accès au plein air pour les animaux d’élevage à partir de 2025. Le problème est que pour défendre l’idée d’un référendum d’initiative partagée, il faut mettre dans sa poche 20 % des parlementaires et 10 % du corps électoral, c’est-à-dire 185 parlementaires et 4,7 millions de Français. On est encore loin du compte. En trois mois, avant le deuxième confinement, 140 parlementaires et près de 800 000 personnes ont apporté leur soutien à la démarche. Pour Jean-Marc Neumann, on n’y arrivera pas : « À cause des chasseurs et des éleveurs, le climat est malsain, des parlementaires ont reçu des menaces, ils n’ont pas tous envie de se battre sur le sujet. Hugo Clément est même accusé d’avoir participé à Fort Boyard… ». En fait, chacun défend son bout de gras. Le nom de Claude Kern, qui était notre invité la semaine dernière dans les colonnes de Maxi Flash, ne figure pas dans la liste des soutiens au RIP. Pour le sénateur du Bas-Rhin, un référendum est une question : « On y répond par oui ou par non. Là, il y a plusieurs questions qui se posent. Il y a des points de bon sens que je partage, je reconnais que l’animal est doué de sensibilité, mais je ne suis pas pour la totalité des propositions. Il faut un vrai débat », affirme le sénateur qui reconnaît notamment qu’un lion en cage n’est pas un lion, et qu’il faut arrêter la chasse à la glu.

La France est très en retard

De son côté, Jean-Marc Neumann rappelle que les mesures annoncées et qui doivent absolument être mises en place ne sont pas extravagantes: « Elles concernent les actes les plus cruels, les plus barbares, les moins admissibles sur le plan éthique. Tout individu un peu sensé devrait être d’accord avec les mesures proposées. Cela ne remet pas en cause l’élevage ou la chasse, mais la chasse à courre, la chasse à la glu ou des choses comme celle-là. Cela interdit les élevages à fourrure, la corrida (95 % des Français sont contre) », indique Jean-Marc Neumann. Mais pour aller plus loin, il faudrait parler de l’élevage des porcs en bâtiment sur caillebotis pour 95% d’entre eux, il faudrait écrire un mot sur l’errance qui concerne par exemple onze millions de chats en France, sur le massacre des renards, sur l’expérimentation animale (2,2 millions d’animaux sont victimes d’expérimentation dans des laboratoires français). Il faudrait encore parler de l’exploitation des animaux pour les spectacles, de la souffrance au nom de la mode (45 millions d’animaux sont sacrifiés chaque année pour leur fourrure), de la protection de la biodiversité, ou de la gestion française de l’ours et du loup jugée calamiteuse, il faudrait mettre sur la table tant d’autres sujets, car la France est très en retard par rapport aux pays européens sur ces questions. Il faudrait aussi évoquer le coût du changement des pratiques qui pour certains industriels est trop important. Pour accompagner de nouvelles lois, le gouvernement devra sans doute imaginer des formules d’aides, mais le contexte difficile ne sert pas la cause animale, au contraire, la crise sanitaire permet de freiner des quatre fers. Ce qui n’était pas une priorité n’a aucune raison de le devenir? Pour un temps indéfini, il sera facile de dire que l’on a d’autres chats à fouetter ?


L’OURS POLAIRE ET LE DROIT

Signaux d’alerte

L’ours polaire est le plus gros carnivore terrestre. Il règne en maître absolu sur les étendues glacées de l’Arctique et fascine par sa beauté ainsi que par son adaptation à l’un des environnements les plus hostiles de notre planète. Après avoir été conduite au bord de l’extinction par une chasse intensive, sa population a pu se rétablir grâce à la mise en place d’outils de protection et de gestion de l’espèce. Aujourd’hui, l’ours polaire fait face à de nouvelles menaces, toutes d’origine humaine. Il est devenu l’animal iconique illustrant les conséquences du dérèglement climatique. L’espèce est fragilisée et son avenir à long terme inspire de vives inquiétudes. Protéger l’ours polaire et son milieu naturel représente aujourd’hui un formidable défi. Ce n’est pas seulement son avenir qui est en jeu, mais aussi celui de l’humanité tout entière. Le livre est signé Jean-Marc Neumann. (Éditions de l’Harmattan).