Laura Weissbecker : Le cinéma, au temps du coronavirus

Covid-19 Ground Zero, sélection officielle du festival du film de Colmar a été réalisé par Mustafa Ozgun. L’Alsacienne Laura Weissbecker qui vit entre la France et les États-Unis, a co-écrit et produit ce film indépendant à petit budget tourné en 12 jours. C’est très peu pour le cinéma, mais cela ne se voit pas, car on est complètement embarqué dans cette histoire qui pourrait être la nôtre. Une magnifique histoire d’amour dans laquelle Laura est aussi l’actrice principale. Elle interprète une infirmière touchée par la maladie, un rôle si fort qu’elle a perdu du poids et n’a pas hésité à se raser la tête. Inspiré d’histoires vraies de travailleurs hospitaliers en première ligne à New York au moment du premier confinement, Covid-19 Ground Zero n’a pas encore de date de sortie en France, mais Maxi Flash a eu la chance de le voir.

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Maxi Flash : Quel est le point de départ de ce film ?

Laura Weissbecker : Je connaissais Mustafa Ozgun car j’avais déjà tourné avec lui dans un petit film franco-chinois. Il m’a appelée pour me proposer de travailler sur ce projet et j’ai immédiatement eu envie de co-écrire. Mustafa a accepté et je lui ai fait des propositions. Au fur et à mesure, nous avons finalement co-écrit le scénario. J’ai parlé à beaucoup de médecins, des infirmières, pour m’ancrer dans la réalité et puis, je n’ai pas eu le coronavirus, mais il y a 7 ans, j’ai connu de graves soucis de santé, quelque chose qui se rapproche de cette maladie. Je connais parfaitement ce qu’est le fait de ne pas pouvoir respirer, d’être en soins intensifs et intubé. J’ai fait beaucoup de rééducation respiratoire pour récupérer mon poumon. Faire ce film était important pour moi, car dès le départ, dès que l’on a connu les premières victimes du coronavirus, j’étais hyper stressée.

Ce film décrit la peur que l’on a tous vécu à ce moment-là, mais aussi celle de cette femme face à la maladie. Je vous trouve très juste, notamment au moment où elle refuse de se rendre à l’hôpital pour se faire soigner. Si vous êtes aussi émouvante, au-delà de votre talent, c’est sans doute parce que vous êtes passée par là ?

Oui, je connaissais les choses de l’intérieur. C’est vrai qu’avec le vaccin, presque deux ans plus tard, on connaît mieux la maladie, mais il faut se remettre dans le contexte. Entre février et mai 2020, on ne savait pas grand-chose, les gens sont morts sans que l’on puisse leur dire au revoir, sans contact avec leurs proches.

Votre personnage parle d’une zone de guerre. C’était le chaos !

Oui. Donald Trump n’a pensé qu’à sa carrière politique, pas ce qu’il pouvait faire pour les Américains. Les enjeux étaient politiques, alors que dans ces moments-là, on imagine beaucoup plus de solidarité. Les soignants, à qui j’ai parlé, m’ont décrit une situation extrêmement dramatique, ils étaient débordés, comme en temps de guerre.

C’est une belle histoire d’amour avec des scènes magnifiques, notamment celle où les amoureux trouvent le moyen de rester ensemble, sans se toucher. Cet homme et cette femme forment un joli couple de cinéma.

Oui, c’était l’idée de départ. Une histoire d’amour dans cette période qui restera comme une période charnière de l’histoire des États-Unis et du monde.

Laura Weissbecker s’est rasé la tête pour son rôle dans Covid-19 Ground Zero / ©DR

Et vous vous êtes rasé la tête pour ce rôle. C’était compliqué ?

Quand j’ai appelé mon agent pour lui dire que j’allais me raser la tête, elle m’a dit qu’en France, toutes les actrices qui avaient fait ça n’avaient plus travaillé pendant trois ans. Ici, ils aiment les comédiennes avec des cheveux. Elle m’a demandé si l’on pouvait utiliser du silicone, tricher un peu, mais finalement elle m’a dit : « Si tu crois vraiment au film, fais-le ». Je ne le regrette pas, c’était nécessaire. Quand je suis tombée malade il y a 7 ans, mes cheveux étaient très emmêlés, mais je n’ai pas voulu les couper, c’était le seul truc qui me restait… Pour le film, j’ai fait le contraire. Mon personnage se rase la tête et teint ce qui lui reste en mauve, le symbole de la renaissance, du printemps.

Vous avez présenté le film à Colmar, mais il n’a pas encore de date de sortie.

Pour l’instant, nous le présentons dans les festivals. Pour la sortie, c’est un peu compliqué en ce moment. C’est un petit film « fragile », tourné dans l’urgence, mais l’image et la musique sont très belles. Si nous avions pris une trajectoire normale, nous aurions tourné dans quatre ans. Mais du coup, c’est plus compliqué. C’est un film que je voulais dédier aux personnels soignants dans le monde, ils ont fait un boulot extraordinaire en mettant leur vie en danger parfois, je crois que son message est important. En France, ceux qui l’ont vu ont beaucoup aimé, malgré le sous-titrage. Pareil lors de la présentation à New York. Le film touche beaucoup, il fait du bien, c’est presque cathartique. J’espère que les spectateurs pourront le voir très bientôt.

Quels sont vos autres projets ?

J’ai tourné dans un film en anglais qui est actuellement en montage et qui a l’air vraiment bien et je suis en écriture sur un film qui se passe pendant la Première Guerre mondiale. Je reviendrai donc très bientôt en France.

L’affiche du film de Mustafa Ozgun. La date de sortie en France n’est pas encore connue / ©DR

Mini Bio

1984 : Naissance à Strasbourg
2005 : Elle tourne dans Les poupées russes de Cédric Klapisch
2012 : Elle tourne dans Chinese Zodiac de Jackie Chan et devient une star en Chine
2013 : Elle obtient le prix de la meilleure nouvelle actrice lors de la cérémonie des Huading Awards à Macao
2016 : Sortie de son livre Comment je suis devenue chinoise
2021 : Tournage de Covid-19 Ground Zero