La série d’anticipation Stocamine signe une nouvelle saison apocalyptique

Pour les adeptes de séries à rallonge dont l’histoire s’écrit au fur et à mesure de la ferveur populaire, le scénario catastrophe de Stocamine pourrait obtenir plusieurs Oscars. Démarré dans les années 90, le feuilleton a vécu ses derniers rebondissements en haut lieu début 2022 : cette affaire de déchets ultimes stockés au fond d’une mine à Wittelsheim (Haut-Rhin) est loin de connaître son dénouement.

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Les déchets sont stockés dans des fûts métalliques ou des gros sacs, appelés «colis». / ©Stocamine

En 1997, c’est une première en France : le stockage de déchets ultimes dans l’ancienne mine de potasse de Wittelsheim sous la plus grande nappe phréatique d’Europe est autorisé, mentionnant le principe de réversibilité. Les générations futures n’auront pas à se préoccuper des déchets industriels de classe 0—mercure, chrome, cyanure, antimoine, terres polluées—et de classe 1 (résidus d’incinération, amiante…) puisqu’ils sont déstockables.

De 1999 à 2002, 44 000 tonnes de déchets ultimes descendent à 550 m sous terre. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes lorsqu’un incendie stoppe les opérations en septembre 2002. Les promesses flambent en même temps que des produits phytosanitaires non autorisés. L’incendie dure deux mois, le directeur et l’entreprise sont condamnés, 74 mineurs intoxiqués et le bloc 15 définitivement inaccessible.

Les galeries se referment sur le vide

La saison suivante, entre 2014 et 2017, s’ouvre sur les déchets mercuriels, les plus dangereux: 95% (environ 2000 tonnes) sont déconfinés et envoyés en Allemagne, la filière traditionnelle. Or pour les sortir, c’est le grand ménage : les galeries de sel gemme se referment sur le vide plus vite que prévu et détériorent les colis… Il est trop tard pour déstocker la totalité.

Devant ce constat, le temps presse. Les élus régionaux, les associations comme Alsace Nature, les collectivités, dont la CEA, réclament les 456 M€ nécessaires au déstockage en quatre ans. Pourtant, au rythme des ministres de la transition écologique, les décisions d’enfouissement se suivent et se ressemblent. L’idée est d’apposer un barrage de béton pour éviter l’ennoyage inéluctable dans 70 à 1000 ans… Une bombe écologique que l’intelligence humaine entend retarder.

Censure du Conseil Constitutionnel

En janvier 2021, la ministre Barbara Pompili descend dans la mine pour concrétiser son rapport : les déchets seront enfouis définitivement, et l’État apportera une aide de 50 M€ pour traiter les pollutions avérées de la nappe phréatique. Elle fait inscrire un amendement au projet de loi de finances 2022 que le Conseil constitutionnel censure sur la forme en décembre.

Entre temps, devant les motions, plaintes et référés des acteurs alsaciens, le tribunal de Nancy fait stopper les travaux de confinement en octobre 2021. Ils ne reprendront pas faute d’autorisation administrative, malgré la dernière envolée de la ministre le 5 janvier au Sénat : « Plus on attend, plus c’est criminel ». Le suspens est à son comble…