Francis Guthleben, Père réinventé

760 000 enfants naissent chaque année en France. Mais où sont les pères ? Quelles sont leurs émotions, leurs réflexions, leurs interrogations ? Francis Guthleben s’est penché sur le berceau, pardon, sur la question, en mettant en scène un couple pendant 1000 jours, entre l’instant de la conception et les deux ans d’un enfant. Né à Munster il y a 58 ans, homme des médias devenu écrivain, Francis Guthleben consacre sa vie à l’écriture. Il est l’auteur d’ouvrages sur la catastrophe du mont Sainte-Odile ou sur le fonctionnement de la télévision publique et de plusieurs romans. Écrit comme un carnet de voyage avec des récits, des émotions, des interrogations au fil des jours ce qui le rend très attrayant à lire, « 1000 jours pour commencer à être père » vient de paraître aux Éditions Atine Nenaud.

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Le titre de votre 11e livre sous-entend qu’il n’est pas très simple de tenir le rôle de père, non ?

C’est tout l’enjeu, j’ai trois enfants et chaque jour je continue à essayer d’être père. Je crois que dans l’existence humaine le seul domaine dans lequel il faut se réinventer quotidiennement est celui de la parentalité. Il n’y a pas de recette, il n’y a pas de remède, je n’ai pas de leçon à donner, c’était un apprentissage permanent et enrichissant. Le fait d’être un père divorcé a nécessairement rebattu les cartes de ma relation à mes enfants, et m’a amené à prendre mon rôle de père à bras le corps. Dans les moments où l’on se retrouve seul avec eux, on est obligé de remplir son rôle affectif et éducatif, on transmet le savoir, les valeurs. Je considère que la procréation est le fondement de notre existence d’humain. Il provoque des bouleversements psychologiques, affectifs, sociétaux, absolument extraordinaires.

Ce livre est dédié à votre maman : « À ma mère. Elle aurait voulu que je sois une fille, j’aurais voulu qu’elle soit une fée. Au crépuscule de sa vie, nous avons réussi à partager les trois seuls mots qui vaillent. »

La dimension psychologique et psychanalytique du livre peut se résumer dans cette phrase qui sous-entend « Je t’aime ». Je n’avais jamais aussi bien résumé la complexité de mes rapports avec elle et le lien difficile que nous avons entretenu en une seule phrase. Ce que je veux dire par-là, c’est que pour devenir père, mais c’est aussi valable pour devenir mère, il faut d’abord se réapproprier son histoire familiale, se séparer de ses parents pour endosser le rôle et ne pas être dans du mimétisme, il faut se réconcilier avec eux. Ce sont trois temps indispensables.

Pour vous, la vie est une remise en question permanente, votre ouvrage est-il le prolongement de cette remise en question ?

Tout à fait. J’essaye chaque jour d’être juste avec mes enfants et de m’adapter en fonction des circonstances. Le rôle du père est d’être un fabricant de rêve et de souvenirs. Quand je vais au ski ou au stade avec mes garçons, à un spectacle avec ma fille, ce sont des temps privilégiés, des temps de fêtes, constructeurs… quand j’en parle, je suis ému… Pour le reste, j’avance avec joie et enthousiasme chaque jour en tâtonnant dans le brouillard. Quand on devient père, on rejoint le club le plus pourvu de la planète, le club des inquiets. Quand on devient un parent digne de ce nom, c’est la fin des certitudes.

Ce livre, que vous a-t-il appris sur vous-même ?

L’écriture est un « remue-méninges » absolument incroyable, chaque livre rebat les cartes de mon histoire, de mes interrogations psychologiques et philosophiques, celui-là m’a réconcilié avec mes parents et m’a appris que je suis une femme comme les autres.