Dans les coulisses du presque exploit

On avait senti que la SS Weyersheim pouvait mettre à mal le prestigieux Strasbourg Vauban. La R2 face à la N3, un 6e tour qui peut se jouer à l’envie, et l’Histoire de Madame Coupe de France qui regorge de tels récits, l’odeur de l’exploit nous enflait les narines. Et c’était pas loin.

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Sur les coups de 13h30, à une heure du coup d’envoi, les coachs de Weyersheim, Cédric Mehl et Éric Ott m’ouvrent leur vestiaire. La causerie du duo débute dans un silence studieux. Les joueurs sont déjà dans leur match. « Attendez-vous à ce que soit compliqué », commence Éric. « On peut les taper, mais il faudra chercher une folie collective. Il faut qu’un truc pète positivement dans vos têtes. » Cédric prend une approche plus tactique, mais garde le même état d’esprit : « Tout ce qu’on fait, il faut le faire avec un pourcentage plus élevé. Le contre-effort il faut le faire à 10 000 à l’heure. On perd un ballon, on est là, on revient ! Il faut une solidarité exemplaire. Le match lambda ne peut pas exister. »

Une première mi-temps exemplaire

Le message passe. Face aux Pierrots, club quand même un peu mythique du sport alsacien, les Blancs débutent parfaitement. Présents dans les duels, justes dans leurs transmissions, ils bénéficient aussi d’une certaine mollesse de leur adversaire. Mollesse qui conduira le coach à faire trois changements à la mi-temps. Sur coup de pied arrêté, c’est Weyersheim qui ouvre le score, avec une tête de Heitz, volontaire. Vauban, sur une de ses rares offensives de la première mi-temps, obtiendra un penalty pour une main pas forcément évidente, pour revenir à 1 partout. Peu importe, Weyersheim insiste, et Stroh, d’un bel enchaînement, frappe en force à ras de terre pour donner l’avantage à la SSW à la
mi-temps. Direction le vestiaire ‘Ben’ Hetzel, le capitaine est le premier à prendre la parole. « Soyez intelligents les gars ! Ne parlez pas avec l’arbitre ! On s’excuse, on lui parle gentiment, faut pas se le mettre à dos. » Aurélien Adam est allongé, pour chercher la fraîcheur du carrelage. Les autres boivent. Il fait chaud dans un vestiaire de foot. Eric Ott : « Mettez la même foi dans vos coups de pied arrêtés. Mettez du cœur dans ce que vous faites ! On n’est qu’à la mi-temps. » Cédric Mehl : « Vous leur avez mis le doute ! Faut les pousser au bout ! Soyez bien concentrés. »

Les ailiers strasbourgeois sonnent la révolte

Les Blancs retrouvent la pelouse, conscients aussi que les Jaunes vont montrer un autre visage. Ce qui est le cas dès les premières secondes. C’est alors 15, 20, 25 minutes de feu qui s’abattent sur les locaux. Oliveira à droite, Kekambus à gauche lâchent enfin les chevaux et déboulent dans leurs couloirs à tour de rôle. Coup sur coup, la SSW encaisse deux pions, et on voit mal, à ce moment, comment elle pourrait revenir dans cette partie. Pratiquement sur la seule sortie en dehors de sa moitié de terrain, Weyersheim voit Lucas Sala se faire (légèrement) balancer dans la surface. Penalty ! Ursch ne tremble pas, et permet aux 500 supporters d’y croire à nouveau (325 payants, mais on ajoute les membres du club, les copines / épouses et les enfants, ça fait un prix de gros). Prolongations.

Depuis quelques minutes, les esprits s’échauffent. La tension du match, deux-trois contacts un peu durs, et des mots partent. L’arbitre tient son match. Mais dès l’entame des prolongations, Lucas Sala et Nassim Bakria s’asticotent sur une fin d’action. Dans le replacement, Bakria joue un peu la provoc’ et Sala tombe dans le panneau. Rouge. À dix contre onze, Weyersheim va devoir puiser dans ses ressources, avec un banc « léger » compte tenu de toutes les absences du moment. Vauban continue de pousser, mais les jambes sont lourdes chez tout le monde. À la dernière minute, Kekambus se présente seul face à Cédric Meichel, mais le gardien local sort l’arrêt qu’il faut. Direction la séance de tirs au but !

« Pas de déception les gars ! »

Dans le public, on est sûr que ça va le faire. Arnaud, puis Maxime en sont convaincus, c’est le sens de l’histoire ! Avoir fait preuve de tellement de courage, de solidarité, ça ne peut pas se finir comme ça ! Las. Vous l’avez déjà lu en début d’article – pardon pour le spoil – mais l’aventure s’arrête finalement là. Les Pierrots se mettent en ligne, une haie d’honneur traditionnelle, mais sincèrement méritée pour les gars de la Zorn. Retour au vestiaire.

C’est l’attaquant Jérémy Stroh, auteur d’une panenka réussie durant la séance, qui prend immédiatement la parole : « Pas de déception les gars ! Vous ne réalisez pas ce que vous avez fait aujourd’hui ! Deux divisions et on ne perd pas. On a tenu à dix contre onze ! » Difficile de lire les expressions derrière la fatigue. De la déception, de la frustration, sans doute un peu. Le 9 analyse dans le couloir à mes côtés : « On a fait ce qu’il fallait. Peut-être qu’on aurait pu enfoncer le clou en première mi-temps… Mais personne n’a à rougir, je suis fier de l’équipe. C’est important pour le club, on a montré une bonne image. »

Le mot de la fin sera pour Cédric Mehl, trempé jusqu’à l’os par cette pluie qui s’est abattue en fin de match, mais qu’il n’a même pas remarquée. « On ne peut qu’être fiers des joueurs », commencent le co-coach. « On y est allé au courage sur la fin. C’est un bel événement. Les gens ont pris du plaisir à voir cette équipe se battre jusqu’au bout… On manque de lucidité sur la séance, mais physiquement on avait fait beaucoup d’efforts. »
Le leader de la poule E de Régionale 2 reste donc, en effet, invaincu cette saison. En championnat, les ‘Wirscher’ affichent six victoires pour un match nul. Et moralité : on avait presque bien senti le coup.